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TÉMOIGNAGE. JENNIFER MURZEAU : “Seule en pleine nature, je me suis sentie plus robuste que jamais”

Le contact avec la nature et bouleversant, il permet d'accéder à une forme de sérénité extraordinaire.

En 2018, l'année de ses 33 ans, la romancière Jennifer Murzeau a passé huit jours en immersion totale dans la nature - sans eau ni nourriture - sur les bords de la Charente, puis dans les Pyrénées. Au programme : descente de rivière en canoë, randonnées, nuits à la belle étoile et repas à base de plantes sauvages. Une expérience singulière à l'époque de l'hyper-urbanisation, qu'elle relate dans "La vie dans les bois", un livre sensible et instructif.

"Voilà dix ans que je m'intéresse à la crise environnementale. Des solutions existent, beaucoup de gens commencent à comprendre qu'il faut changer de paradigme mais rien ne bouge vraiment malgré l'urgence. L'été dernier, j'ai donc décidé d'aller passer huit jours dans la nature pour comprendre comment on en arrive à scier la branche sur laquelle on est assis. Huit jours, c'est court mais cela faisait partie de ma démarche. Je voulais faciliter l'identification du lecteur, certainement pas me poser en donneuse de leçon, ni en guide.

Quand je raconte mon histoire autour de moi, tout le monde me dit : "c'est fou ce que tu as fait !". Il suffit pourtant d'essayer pour se rendre compte que c'est à la portée de n'importe qui. Grâce à cette expérience, j'ai compris qu'il est possible de se nourrir avec des plantes que j'assimilais jusque-là à de "mauvaises herbes".

L'essentiel de mon alimentation a consisté en des orties - elles contiennent plus de vitamines C que les oranges, sont très riches en protéines et on en trouve partout, y compris en montagne -, des pissenlits, du plantain et des pousses de ronce. J'ai aussi mangé un peu de poisson, mais j'ai refusé de tuer un ragondin ! Je ne peux pas affirmer que cette alimentation a eu un effet bénéfique en soi car je fais déjà très attention à ce que je consomme. Je n'achète que des produits bios, locaux et de saison. En revanche, malgré la frugalité de mes repas (j'ai perdu quelques kilos durant cette semaine), je n'ai pas ressenti la faim. Plus surprenant encore, je n'ai pas fait une seule crise d'hypoglycémie alors que j'y suis sujette lorsque je ne mange pas régulièrement. Je pense savoir pourquoi : plongée dans la nature, je mobilisais des ressources essentielles pour pagayer et marcher ; le temps avait moins d'importance et je n'étais plus soumise aux conventions sociales du type "il faut manger à telle heure".

"J'ai tendance à me focaliser sur mes petits bobos, je stresse. Dans la nature, tous ces maux étaient en sourdine"

Cette immersion totale a eu, en revanche, un réel impact sur ma santé. Le lendemain de ma première nuit passée à la belle étoile, mon oreille s'est débouchée comme par magie alors qu'elle me faisait souffrir depuis deux semaines. En ville, la pollution sonore est très violente. Constamment agressé par le bruit, mon tympan gauche n'arrivait pas à se remettre d'un rhume qui l'avait fragilisé. Dans la nature, les stimuli sont beaucoup plus doux et faciles à assimiler par l'organisme qui retrouve une forme d'harmonie perdue. J'en déduis que le calme ambiant m'a soignée...

J'ai également constaté, au bout de quelques jours seule dans la montagne, que mon activité hormonale avait changé. D'habitude, je suis quelqu'un d'assez nerveux. Je sécrète donc souvent du cortisol, la fameuse hormone du stress. Et puis j'ai tendance à me focaliser sur mes petits bobos : mal aux cervicales, au dos, etc. Là-bas, tous ces maux étaient en sourdine. Assise en haut de la montagne, contemplant la vallée, j'ai pris conscience de la douceur qui m'enveloppait. Je me sentais parfaitement bien, je n'avais mal nulle part et, surtout, j'avais l'impression d'être en lien avec le moment présent et mon environnement immédiat. Le contact avec la nature est bouleversant. Pour paraphraser Carl Jung, il révèle l'Homme archaïque et permet d'accéder à une forme de sérénité extraordinaire.

Malgré le froid durant certaines nuits et les réveils très humides, je ne suis pas tombée malade. Je ne me suis jamais sentie aussi robuste. L'air pur, la chlorophylle, les nuits sous les étoiles, la nourriture saine, tout m'a donné une force que je n'avais jamais éprouvée auparavant. Quand je suis "revenue à la civilisation", j'ai croisé le reflet de mon visage dans un miroir. J'avais beau être un peu amaigrie, je me suis trouvée éclatante de santé ! J'ai été frappée de voir à quel point il est régénérant de s'éloigner de la ville. Et à quel point c'est indispensable pour retrouver une vraie liberté de pensée."

À lire : "La vie dans les bois", de Jennifer Murzeau, Allary Éditions, 240 p., 18,90 €.

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