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“Ginseng indien” : anti-fatigue efficace ou plante dangereuse ?

De nombreuses études internationales ont démontré les bienfaits du ginseng indien.

Classique de la médecine ayurvédique depuis plus de deux mille ans, le "ginseng indien" est désormais une star outre-Atlantique pour lutter contre le stress, retrouver du tonus ou un sommeil de bébé. Pourtant, en dépit de ces nombreux bienfaits, il ne figure toujours pas sur la "liste A des plantes médicinales utilisées traditionnellement" (1).

Officiellement, ses « effets indésirables potentiels » seraient supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu. Faut-il assouplir ce principe de précaution pour profiter de cette plante traditionnelle ?

Malgré son petit nom, le "ginseng indien" n'appartient pas à la famille du "vrai" ginseng ou Panax ginseng, cultivé en Chine et en Corée (lire bonus ci-dessous). La comparaison n'a cependant rien d'étonnant : comme lui, cette plante baptisée indifféremment Withania somnifera (nom scientifique) ou ashwagandha (nom sanscrit) possède des propriétés énergisantes, qui permettent de retrouver une "force de cheval". "Ashwagandha signifie d'ailleurs "odeur du cheval"", précise Clarisse Robinet, en connaissance de cause. Cette thérapeute en ayurvéda, membre du réseau médoucine (2), la prescrit en effet régulièrement en raison de ses nombreuses vertus.

Difficile d'ailleurs d'en dresser une liste exhaustive (3) ! "Le Withania somnifera est d'abord réputé pour lutter contre le stress, introduit le Dr Paul Goetz, médecin généraliste spécialisé en phytothérapie, avant d'expliquer que cette plante est classée dans la catégorie « "adaptogène". Elle est à ce titre capable de renforcer les capacités d'adaptation au stress, physique ou psychique. Mais contrairement au Panax ginseng, qui permet d'élever temporairement le niveau de résistance au stress pour faire face à un nouveau travail, un examen à passer ou encore un surcroît d'activité, le « ginseng indien » procure un effet apaisant. On peut ainsi le prescrire à des personnes au bord du burn-out. » Il calme, tout en augmentant l'activité cognitive, selon ce spécialiste, également enseignant de phytothérapie clinique.

Il suffit de taper sur le moteur de recherche de la base de données internationale Pubmed les mots clés « ashwagandha + stress » pour constater la quantité d'études scientifiques attestant qu'il joue un rôle important dans la diminution du taux de cortisol, hormone du stress (4).

Des chercheurs japonais ont par ailleurs réussi à confirmer son effet somnifère. Leurs résultats publiés en février 2017 dans la revue PLOS One (5) laissent supposer que l'ashwagandha pourrait donc être utilisée en cas d'insomnie.

D'autres études ont également mis en exergue des propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes (6), particulièrement intéressantes dans le cadre de la lutte contre les maladies neurodégénératives (7), des propriétés aphrodisiaques notamment chez l'homme dont elle booste la vigueur sexuelle et favorise, in fine, la fertilité (8), une capacité à réduire le taux de glycémie chez les diabétiques (9), ou encore à lutter contre la fatigue induite par la chimiothérapie et à améliorer la qualité de vie des patients atteints de cancers (10), voire même des propriétés anticancéreuses (11). N'en jetez plus !

Le Comité français de la Pharmacopée "Plantes médicinales et huiles essentielles", qui dépend de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (12) ne nie pas les bienfaits de l'ashwagandha, utilisée depuis plus de deux mille ans dans le cadre de la médecine ayurvédique. "Les études pharmacologiques ont montré des activités sur le système nerveux central (effets neuroprotecteur, anticonvulsivant, antiparkinson-like), sur le stress et l'anxiété, sur l'appareil sexuel mâle, antitumorales, thyroïdiennes...", a-t-il d'ailleurs reconnu lors de la séance n°4 du 14 octobre 2014.

Pourtant, elle figure toujours sur la liste B des plantes médicinales utilisées traditionnellement en l'état ou sous forme de préparation, dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu, aux côtés de l'aconit (herbacée surnommée « la reine des poisons »), la ciguë (qui tua Socrate...), les digitales (herbacées toxiques) et l'ergot du seigle (champignon parasite) dont la toxicité n'est plus à démontrer !

Le refus de l'ANSM de passer l'ashwagandha sur la liste A des plantes médicinales utilisées traditionnellement s'avère d'autant plus surprenant que les experts le reconnaissent volontiers : « les différentes études et publications n'ont pas montré de toxicité majeure » des withanolides. Or, c'est précisément ce constituant de l'ashwagandha qui avait justifié son inscription initiale sur la liste B...

Pourquoi alors un tel entêtement ? Parce que « quelques références font état de toxicité à fortes doses », indique l'Agence. Si Clarisse Robinet et le Dr Paul Goetz ne nient pas certains effets secondaires (lire bonus ci-dessous), ils refusent pour autant de considérer que cette plante appartenant à la pharmacopée traditionnelle indienne est dangereuse. Il faudrait en ingurgiter des quantités astronomiques avant de risquer quoi que ce soit.

Contrairement à l'ANSM, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ne semble pas non plus effrayé par cette plante : il a déposé cinq brevets (13) concernant Withania somnifera destinés à traiter ou prévenir les amyloïdopathies, incluant la maladie d'Alzheimer, les alpha-synucléinopathies (neurodégénératives) ou encore les pathologies de démyélinisation (qui touchent le système nerveux central). Et si, en réalité, le principe de précaution avait bon dos sauf quand il y a de l'argent en jeu ?

Bonus

Les contre-indications à ne pas négliger

Même si elles sont rarement abordées sur les boîtes achetées en pharmacie ou commandées sur Internet, des contre-indications existent bel et bien. "Comme toute plante, l'ashwagandha ne doit pas être prise contre tout et n'importe quoi, Conséquence logique de cet avertissement : cette plante est à éviter impérativement en période estivale.

Cette spécialiste déconseille également l'ashwagandha chez les personnes qui fabriquent trop de toxines - c'est souvent le cas en période de stress ou lorsque l'on souffre de certaines allergies - les femmes enceintes ou allaitantes et les enfants. « Le risque, c'est que la plante augmente l'excès de feu dans l'organisme ou la quantité de toxines dans le sang et de se retrouver avec des cystites, des problèmes digestifs, des maux de tête, des saignements », énumère cette praticienne en médecine indienne. Rien de très dangereux, on l'aura compris, mais pour éviter ces désagréments, il est plus prudent de ne pas recourir à l'auto-médication.

Bonus

Panax ginseng, le « véritable » ginseng chinois

Baptisé « plante de l'éternelle jeunesse » ou encore « racine de longue vie », le « vrai » ginseng, appelé Panax ginseng ou ginseng coréen, appartient à la pharmacopée traditionnelle chinoise. Il a un cousin outre-Atlantique, le ginseng américain ou Panax quinquefoliux, cultivé au nord des États-Unis et au Canada. « Botaniquement, on n'arrive pas à les distinguer, informe le Dr Paul Goetz, mais sans que l'on ne sache vraiment pourquoi, le second possède des vertus intéressantes contre le diabète alors que le premier est inopérant sur cette pathologie. »

En médecine orientale, le Panax ginseng est réputé pour tonifier les poumons, le cœur, les reins, le foie et la rate. Selon le Dr Michèle Serrand, médecin pratiquant l'homéopathie et l'acupuncture, son usage permet de « bannir la fatigue, retrouver le sommeil, booster la mémoire, lutter contre le stress, renforcer les défenses immunitaires, freiner le vieillissement et stimuler ses ardeurs sous la couette ». Pour la petite histoire, le Panax ginseng figurait parmi les présents offerts en 1686 à Louis XIV par les ambassadeurs du Roi de Siam. Le Roi-Soleil aurait retrouvé de sa vigueur auprès des femmes après quelques jours de traitement seulement !

À lire :

"Le Ginseng : vertus thérapeutiques d'une plante adaptogène", du Dr Paul Goetz, Alain Drouard, Patrick Stoltz, Dominique Delaporte, éd. Springer.

"Ginseng, mille ans de bienfaits", du Dr Michèle Serrand, éd. Alpen.

(1) Validée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et disponible sur www.ansm.sante.fr

(2) clarisserobinetayurveda.com ; medoucine.com

(3) Singh N, Bhalla M, de Jager P, Gilca M. An Overview on Ashwagandha : A Rasayana (Rejuvenator) of Ayurveda. Afr J Tradit Complement Altern Med. 2011 Jul 3 ; 8 (5 Suppl) : 208 - 13.

Botanical, chemical and pharmacological review of Withania somnifera (Indian ginseng) : an ayurvedic medicinal plant, Bilal Ahmad Mir, Jabeena Khazir, Nisar A. Mir, Tanvir-ul Hasan, Sushma Koul, Indian Journal of Drugs and Diseases Vol : 1 Issue : 6 Sep. 2012

(4) Chandrasekhar K, Kapoor J, Anishetty S, A prospective, randomized double-blind, placebo-controlled study of safety and efficacy of a high-concentration full-spectrum extract of ashwagandha root in reducing stress and anxiety in adults, Indian J Psychol Med, 2012 ; 34 (3) : 255-62.

(5) Kaushik MK, Kaul SC, Wadhwa R, Yanagisawa M, Urade Y, Triethylene glycol, an active component of Ashwagandha (Withania somnifera) leaves, is responsible for sleep induction, PLoS One. 2017 Feb 16 ; 12 (2) : e0172508.

(6) Alam N, Hossain M, Mottalib M, Sulaiman S, Gan S, Khalil M. Methanolic extracts of Withania somnifera leaves, fruits and roots possess antioxidant properties and antibacterial activities. BMC Complementary and Alternative Medicine 2012, 12 : 175 (7 October 2012)

Bhattacharya SK, Satyan KS, Ghosal S. Antioxidant activity of glycowithanolides from Withania somnifera. Indian J Exp Biol. 1997 Mar ; 35 (3) : 236-9.

(7) Singh N, Bhalla M, de Jager P, Gilca M. An Overview on Ashwagandha : A Rasayana (Rejuvenator) of Ayurveda. Afr J Tradit Complement Altern Med. 2011 Jul 3 ; 8 (5 Suppl) : 208 - 13.

(8) Gupta A, Mahdi AA, Shukla KK, Ahmad MK, Bansal N, Sankhwar P, Sankhwar SN.J Efficacy of Withania somnifera on seminal plasma metabolites of infertile males : A proton NMR study at 800MHz. Ethnopharmacol. 2013 Jun 21. pii : S0378-8741 (13) 00444-3. doi : 10.1016/j.jep.2013.06.024.

(9) Udayakumar R, et al. Hypoglycaemic and hypolipidaemic effects of Withania somnifera root and leaf extracts on alloxan-induced diabetic rats. Int J Mol Sci. (2009).

(10) Biswal BM, Sulaiman SA, Ismail HC, Zakaria H, Musa KI. Effect of Withania somnifera (Ashwagandha) on the development of chemotherapy-induced fatigue and quality of life in breast cancer patients. Integr Cancer Ther. 2013 Jul ; 12 (4) : 312 - 22.

(11) Christina AJ, Joseph DG, Packialakshmi M, Kothai R, Robert SJ, Chidambaranathan N, Ramasamy M., Anticarcinogenic activity of Withania somnifera Dunal against Dalton's Ascitic Lymphoma, J Ethnopharmacol. 2004 Aug ; 93 (2-3) : 359-61.

(12) https://www.ansm.sante.fr/L-ANSM/Comites-francais-de-la-pharmacopee/Comites-francais-de-la-pharmacopee/Comite-francais-de-pharmacopee-Plantes-medicinales-et-huiles-essentielles

(13) https://patents.justia.com/assignee/centre-national-de-la-recherche-scientifique-cnrs

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    1 commentaire
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    Anonyme70  Le 17/03 à 13:56

    fe(y(-èça