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Dr. Philippe Baudon : “Notre système de santé est complètement déshumanisé”

La technologie doit être utilisée pour valider, en aucun cas pour établir un diagnostic.

Omnipraticien, il est surtout devenu un lanceur d'alerte. Dans son ouvrage "Médecin lève-toi" (1), il dénonce un milieu hospitalier totalement déshumanisé où le patient n'a plus du tout son mot à dire. Rencontre avec un homme révolté.

Que vouliez-vous avant tout dénoncer avec ce livre ?

Dr. Philippe Baudon : J'ai voulu donner l'alerte sur la protocolisation des traitements à l'hôpital. À partir du moment où un patient est admis dans un service, il reçoit un traitement auquel il n'est plus possible de déroger. S'il se retrouve avec une perfusion dans le bras, personne ne va lui expliquer ce qu'il y a dedans. Cela peut être du sérum glucosé comme un calmant, ou n'importe quoi d'autre. Mais de toute façon, peu importe la substance qu'on lui administre : il n'a pas son mot à dire ! Considéré comme un sous-praticien, le médecin de ville est quant à lui complètement rejeté par le milieu hospitalier. Le résultat de tout cela ? Un système de santé complètement déshumanisé où l'on se contente de cocher des cases ! Seul hic : si l'on coche la mauvaise case, le traitement sera inefficace voire délétère, avec des effets secondaires potentiellement énormes.

Cette médecine déshumanisée, vous l'avez découverte en accompagnant votre épouse atteinte d'une tumeur cérébrale rare. Qu'est-ce qui vous a le plus choqué ?

Je n'oublierai jamais la réponse donnée un jour par le médecin hospitalier qui suivait mon épouse. Alors qu'elle l'interrogeait sur ses chances de guérison, il lui a rétorqué : « Madame, si vous êtes toujours là dans six mois, vous ferez partie des 5 % de survivants » ! C'est d'une violence... Malheureusement, j'ai assisté à beaucoup d'autres propos tout aussi choquants, adressés à d'autres malades. Le patient veut savoir, c'est bien normal, mais il n'est pas en capacité de tout entendre. Il a besoin d'avoir face à lui un soignant optimiste qui entrevoit la guérison. En plus, qui est-il pour savoir ? Aucun médecin n'est omniscient. Cependant, dans certains services, les praticiens sont tellement habitués à tutoyer la mort, qu'ils ne voient plus que derrière les numéros de chambre et de dossier, il y a de vraies personnes.

"En confiance, un patient augmente ses chances de guérison"

Comment expliquez-vous ce gouffre entre les médecins hospitaliers et leurs patients ?

C'est bien plus qu'un gouffre ! Je pense que la lassitude y est pour beaucoup. Quand j'étais encore étudiant et que je faisais mon internat, je suivais chaque jour le « patron » lors de sa tournée auprès des malades. Quand il entrait dans une chambre, il commençait par dire bonjour puis regardait la pancarte au pied du lit indiquant les informations (posologie, tension artérielle, température, etc.). Tout était écrit de la main d'une infirmière. Aujourd'hui, le chef de service reste dans sa tour d'ivoire. Du coup, l'équipe médicale n'a plus aucun repère. En outre, tout est désormais informatisé, or les informations informatisées s'égarent parfois...

Vous critiquez également le recours systématique à la technologie qui tue l'intuition du médecin. Faut-il revenir à une médecine plus "artisanale" ?

Artisanale n'est pas le bon terme... Mais ce qui est sûr, c'est que la technologie ne doit pas remplacer le médecin. Elle doit être utilisée pour valider, en aucun cas pour établir un diagnostic. C'est un outil formidable à condition de ne pas en dévoyer la fonction. Quand ma femme s'est mise à bousculer involontairement des objets ou des personnes sur son passage, j'ai compris que son champ de vision était altéré. J'ai alors suspecté une lésion au niveau de son cortex cérébral droit. L'IRM est venue confirmer mon diagnostic. Elle ne l'a pas posé d'emblée. Les machines ne pourront jamais tout prévoir ni tout anticiper, contrairement à l'esprit humain qui a la faculté de toujours trouver des solutions.

Quelles solutions préconisez-vous pour que les médecins redeviennent des soignants "humains", fidèles au serment d'Hippocrate ?

J'ai récemment vu passer une étude américaine montrant que lorsqu'un patient se sent en confiance, dans un service sécurisé, il augmente de 20 % ses chances de guérison. Cela semblait couler de source, mais aujourd'hui, c'est démontré scientifiquement. Il faut que les médecins, et surtout les futurs médecins, comprennent l'importance du rôle qu'ils ont à jouer auprès des malades qu'ils soignent. La confiance est quelque chose qui se gagne en témoignant un minimum d'empathie à ses patients. Certes, il s'agit d'une qualité non monnayable, mais il est urgent de réhumaniser la médecine.

(1) Éditions Nymphéas (novembre 2018), 200 p., 15 €.

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    4 commentaires
    Sans Pseudo, vous apparaitrez en Anonyme
    *Veuillez ajouter un commentaire.
    Anonyme82  Le 21/10 à 09:54

    Aucune bienveillanCe, aurais je dû écrire. Pardon. Aussi, jaimerai bien contacter ce Mr pour lui dire tout le bien que je pense de l'écriture de ce livre, mais je ne trouve aucun lien pour le contacter?

    Anonyme68  Le 29/10 à 10:07

    En cancero idem 1 protocole

    Anonyme53  Le 24/12 à 09:02

    J'adhère à 100 % à cette analyse. J'y ajoute que le phénomène investit les cabinets médicaux multi médecins et activités qui fleurissent maintenant et remplacent petit à petit les cabinets individuels. L'humain y devient fichier informatique enregistré souvent par des secrétaires. ......

    mimi136  Le 21/10 à 09:50

    Exact. Ce que décris Philippe Baudon, je le vis car suivie pour un cancer. Les médecins hospitaliers sont odieux, complètement déshumanisés. Aucune empathie, aucune bienveillante. Des robots à prescrire! Nous sommes des matricules et c'est tout! Grosse colère !!! Merci au Dr Baudon pour son coup de g....mille fois justifié.